Quelque part sur le net, 22 janvier 2004

 

Un député victime de cyber-terrorisme ?

 




Suite à sa très controversée interview donnée au Journal du Net (pour laquelle j'ai publié un droit de réponse [1]), Jean-Dionis du Séjour s'est attiré les foudres des internautes.
En quelques jours Google a perdu la boule. Essayez une recherche sur "député liberticide" dans le célèbre moteur : le site du rapporteur de la LEN à l'assemblée arrive en premier résultat ! Pire encore, toute la premiere page de liens lui est consacrée au député !
Jean Dionis du Séjour correspondrait-il à la description ?

 

 


Comment est-ce possible ?

Plusieurs webmasters se concertent pour placer sur leur site un lien pointant vers le site de Jean Dionis du Séjour et intitulé "député liberticide". Peu importe le texte qu'il y'a autour, seul compte le nombre de liens. Le but est de tromper Google, ses outils automatiques de référencement finissant par associer député liberticide au site officiel du député. [2]


Pourquoi tant de haine ?

On peut y voir un acte gratuit, une démonstration de haine envers ce monsieur, ou simplement la bêtise collective de moutons de panurges immatures. La victime ne manquera sûrement pas de dénoncer un acte de violence numérique, une diffamation organisée, voire un piratage de Google !

En réalité pour comprendre l'intelligence de ce coup d'éclat, il faut relire les propos de Jean Dionis du Séjour. Dans son interview donnée à JDNet, celui-ci, pour défendre les mesures de filtrage du Net, laisse entendre que les outils automatisés sont tout à fait capables d'opérer un contrôle juste et efficace des contenus sur Internet. En affirmant que « Les hébérgeurs disposent de moyens logiciels puissants en matière de recherche textuelle et de reconnaissance de formes. Ils ne sont pas dépourvus comme ils le disent de temps en temps. », cet ingénieur en système d'information exhibe une confiance démesurée en la technologie.

Il s'est notamment fendu d'une comparaison peu heureuse entre hébergeurs et moteurs de recherche : « Comment pensez-vous que Google peut vous proposer en quelques secondes l'identification de sites pertinents d'une de vos requêtes et que les FAI ne pourraient faire de reconnaissance textuelle. »

Les instigateurs de ce projet ont voulu montrer à M. du Séjour qu'on fait facilement faire ce qu'on veut à un ordinateur, que la technologie n'est pas et ne sera jamais la réponse miracle à tous nos problèmes. Il a suffi de la coordination de quelques cerveaux humains pour mettre en échec un des plus puissants algorithmes de reconnaissance textuelle au monde.
Victoire ultime, ils ont même pu se l'approprier pour en faire une arme de désinformation potentielle redoutable !

Pour l'anecdote, le google bombing n'est pas né cette semaine. Le plus célèbre cas de bombe google est l'oeuvre d'internautes d'outre-Atlantique, qui sont réussi à faire associer l'expression "miserable failure" ("lamentable échec") à George W. Bush en personne, la biographie du président apparaissant en premier résultat ! Essayez vous-même.

 

Que penser de tout ça ?

Je trouve personnellement ce type d'action très discutable sur la forme. Détourner une technologie pour faire passer de force un message est mal vu, et le "hack" de Google pourrait se retourner médiatiquement contre ses créateurs. Il y a sûrement des moyens plus orthodoxes de se faire entendre.
Mais je soutiens quand même cette action, d'abord pour la formidable démonstration de la crétinerie des propos de M. du Séjour sur la soi-disante puissance de la technologie. Ensuite parceque le coup médiatique est peut-être la seule chose qui nous reste.

La miserable failure de Bush peut se voir comme la failure d'un gouvernement à cacher ce que les télévisions et journaux américains se gardent bien de montrer : tous les Américains ne soutiennent pas leur président. Il y a encore dans ce pays des contestataires, et ils se font entendre par le seul média où on peut encore tout dire, le seul que les grands groupes ne contrôlent pas. Pas encore ! Multinationales, gouvernements, rassurez-vous. De nouvelles lois arrivent pour faire taire Internet, la liberté d'exp...pardon la diffamation, ne sera bientôt plus qu'un souvenir.

 

En conclusion

A travers ce qui ressemble à première vue à un jeu de gamins attardés, une poignée d'internautes à prouvé à M. Du Séjour que ne lui en déplaise, c'est pas demain que la technologie permettra de filtrer efficacement le réseau Internet. Il devrait réfléchir à deux fois avant de sortir des âneries qui émanent soit d'un parfait ignorant du Net et de son fonctionnement, soit d'un parfait hypocrite. M. Du Séjour étant ingénieur en SI, je doute qu'il soit ignorant.

 

Preston

 

[1] Mon "droit de réponse" a été publié avec un gros retard, je m'en excuse. J'ai trainé mais j'ai surtout voulu apporter de multiples améliorations et vérifier cent fois mes écrits avant de les rendre publics, du fait du caractère même de l'article.

[2] Vous trouverez plus d'informations sur le google bombing à cette adresse.

 


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