Campagne d'intimidation contre la communauté P2P

Très actif en cette fin d'année, retspan a envoyé l'email suivant à des dizaines de sites de P2P :

Dans votre intérêt, merci d'accorder la plus grande importance à ce message.
Le Conseil d'Administration de RetSpan a récemment été saisi d'une plainte au sujet d'un site que vous hébergez ou dont vous vous occupez : http://.
Selon le plaignant, ce site Internet propose des liens hypertextes permettant de télécharger automatiquement et directement des fichiers piratés (c'est-à-dire des produits contrefaits) sur les réseaux dits peer-to-peer, ce qui porte gravement atteinte aux droits de nombreuses entreprises de l'industrie des médias, du divertissement ou du logiciel.
RetSpan est une association dont le but est de lutter contre la piraterie de contenu sur Internet, et plus particulièrement sur les réseaux peer-to-peer.
Conformément à nos statuts, notre association doit intervenir pour faire cesser les atteintes aux droits d'auteur ou de marque lorsqu'elle est saisie au sujet d'une infraction potentielle.
D'après nos observations, le site Internet dont vous vous occupez permet effectivement aux internautes de télécharger illégalement et sans autorisation, grâce à des liens hypertextes vers le réseau peer-to-peer eDonkey, de nombreuses oeuvres protégées.
Permettez-nous de vous rappeler que l'utilisation ou la représentation non autorisée de marques, titres, oeuvres, noms déposés ou illustrations de contenus protégés par des droits d'auteur ou de marque, par quelque moyen que ce soit, est considérée comme un délit par le Code de la Propriété Intellectuelle (articles L335-2, L335-3, L335-4 et L713-3 entre autres).
Au niveau européen, le texte L167 du 22.06.2001, paru au Journal Officiel, confirme ces faits.
La mise à disposition sans autorisation d'oeuvres protégées auprès du public peut aboutir à une condamnation à cinq ans d'emprisonnement et au paiement de 375 000 euros d'amende, ainsi qu'au versement de dommages et intérêts au profit des parties civiles.
Par conséquent, nous vous prions de bien vouloir :
interdire l'accès au site Internet précédemment mentionné
ou
retirer sans délai toutes les références aux oeuvres soumises aux droits d'auteur et de marque présentes sur le(s) site(s) Internet dont vous vous occupez.
Sans réponse satisfaisante de votre part à cet avertissement avant le 5 janvier 2004,nous nous verrons dans l'obligation de transmettre votre signalement et vos coordonnées à tous les ayants-droits dont les oeuvres sont présentées sur votre site Internet, afin de leur permettre d'engager des poursuites judiciaires à votre encontre devant un Tribunal de Grande Instance, conformément à l'article L716-3 du Code de la Propriété Intellectuelle.
Dans l'attente de votre réponse, nous vous prions de recevoir l'expression de nos salutations distinguées.
Le Conseil d'Administration de RetSpan.
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Informations : www.retspan.info

Adresse :
RetSpan - 28 rue Guynemer - 54110 Dombasle

Beaucoup d'entre eux ont pris cette lettre au sérieux et ont appliqué des mesures de prudence, souvent en fermant le site. Certains d'entre eux avaient des milliers de membres, tous privés de leurs sources de films dans la même semaine..

En parallèle, retspan a fait circuler non-officiellement un communiqué, qui paraît être une information sérieuse de par la qualité de sa rédaction. Ce texte très inquiétant a été repris un peu partout sur le net français (même sur des sites à large audience comme hardware.fr) , jouant pour beaucoup dans la panique et la paranoïa de ces derniers jours. Vous pouvez le lire ici , sous la dépêche Yahoo. Nous allons revenir sur la vacuité de cette intox.

 

La vérité sur retspan

Il est préoccupant de voir l'impact que peut avoir un simple mail d'une organisation qui se veut terrifante. Aussi paraît-il important de clarifier les choses.

Il est temps de démonter le plus grand hoax de ces derniers temps. Non, vous n'irez pas en prison parceque retspan vous a repéré. Non, retspan n'est pas une équipe de super-chasseurs travaillant main dans la main avec les majors et ayant des moyens et des pouvoirs presque aussi grands que la police. En fait, ils ne sont rien. L'excellent site Open-files a déja réalisé une enquête exhaustive à leur sujet, dont le résultat est accablant. Je vous invite à la lire et aussi le droit de réponse de retspan. Faites-vous un avis, je pense que retspan vous impressionnera moins après.

Pour en remettre un couche, notons que les administrateurs du serveur edonkey Razorback ont reçu une lettre similaire il y a 4 mois, et n'en ont pas tenu compte. Rien a signaler depuis.

La campagne de menaces de retspan n'a pas de lien avec les investigations en cours. C'est une action isolée, sans aucune portée. Ils n'ont pas plus de pouvoir qu'un internaute lambda qui envoie un mail. Depuis qu'ils existent, ils n'ont de cesse de se montrer à chaque occasion et de grossir le trait sur leur importance et leurs capacités à coups d'interventions médiatiques déplacées, empreintes de vanité et de mensonges. Mais derrière le bluff, il n'y a que trois étudiants lillois qui ont monté une association loi 1901 aux objectifs réels bien flous.

La simple lecture de leurs communiqués, bardés d'erreurs grosses comme une maison, fait apparaître leur amateurisme. Lisons d'ailleurs leur hoax dont nous avons parlé précédemment :

"des Fournisseurs d'Acces Haut Débit, comme 9 Online, ou bien encore Tiscali, auraient divulgué aux autorités l'identité de quelques centaines d'utilisateurs des fameux réseaux P2P" - Cette pratique est formellement interdite, les informations identifiant les abonnés étant des données personnelles protégées. Le FAI ne peut divulguer ces informations qu'à la justice et uniquement sur injonction de celle-ci dans le cadre d'une enquête.

Avec un premier gros mensonge, le communiqué perd déja toute sa crédibilité.Mais ce n'est pas fini :

"des ingénieurs français affirment être capables d'identifier tout internaute utilisant des systèmes d'échange tels que le protocole E-donkey2000, ou bien Imesh, simplement en consultant une base de données d'adresses IP." - Rebelote, s'il est possible de relever des adresses IP sur les logiciels P2P, sans l'appui d'une autorité judiciaire, des 'ingénieurs' (mais aussi vous, moi, retspan, n'importe qui) peuvent seulement remonter à un fournisseur d'accès, où à une entreprise, une université... Le lien avec la personne physique est connu du FAI seul, et comme expliqué plus haut il garde ces informations secrètes. Pour simplifier, ils peuvent vous localiser approximativement (votre ville), mais pas vous identifier (votre maison).

"trois organismes internationaux en charge de l'attribution des adresses IP [...] ont ainsi donné leur aval aux créateurs de Retspan pour qu'ils accèdent à leurs bases de données. Concrètement, ces accords [nous] permettent de trouver le nom et les coordonnées du propriétaire de n'importe quelle adresse IP de la planète" - Impossible là encore, retspan n'est qu'une association loi 1901, pas un organisme agréé par la justice ! Contrairement à ce mensonge répété dans leurs communiqués, retspan n'a pas accès aux informations précises sur chaque abonné, ils ont exactement les informations que vous avez quand vous utilisez un whois ou un logiciel comme Traceroute. Sans doute ont-ils un accès simplifié et automatisé à ces données (d'ou leurs 'contrats'), mais c'est tout.

Mais le meilleur, c'est sans doute la première ligne de leur e-mail d'avertissement : "Le Conseil d'Administration de RetSpan a récemment été saisi d'une plainte" - Quelle belle phrase, que de majuscules ! Mais hélas aucune association ou entreprise n'a saisi le conseil d'administration (disons plutôt Mr. Wang) de retspan. On saisit un tribunal, pas un conseil d'administration. retspan n'est pas reconnue comme légitime par l'état pour défendre les intérêts de quelque maison de disque ou studio de cinéma : elle n'a donc aucun droit de saisir un tribunal si ce site ne tient pas compte de ses menaces. En fait, il se pourrait qu'il n'y ait pas de 'conseil d'administration' chez Retspan, juste 3 étudiants aigris dont le seul pouvoir est la délation.

Je crois qu'on va arrêter là le massacre.